Une lettre ouverte de Nathalie Vendrys, présidente d'Actions Femmes

Nathalie Vendrys devant le monument de commémoration à Montréal

Le 6 décembre revient tous les ans... Cette année, c'est moi qui vous écrit, sans intermédiaire...

Nous en avons toutes déjà vécues des violences basées sur le sexe puisqu'au Canada on s'trompe pas en disant que c'est un gros 99% des femmes qui en ont subi!  Parfois, de façon subtile ou directe. Parfois, on n'en fait même pas un cas car on est blasée... On se roule les yeux ou on se serre les dents et puis on continue.  C'est comme une vieille chanson qu'on n'arrête pas d'entendre et qu'on n'entend plus car elle joue sans cesse.  Comme un geste qu'on s'est habitué à voir, sentir mais qu'on n'en fait plus un plat parce qu'on a d'autres choses à faire...  On ne veut pas jouer aux victimes, on ne veut pas passer pour des chialeuses...

On a tous autour de nous, dans nos familles, parmi nos amis, nos collègues, nos voisins, des femmes qui subissent de la violence.  On en subit  peut-être même en ce moment...

Depuis 16 jours, on voit des messages à travers le Canada qui dénoncent, encore cette année, la violence faite aux femmes, juste parce qu'elles sont des femmes...

Plus on va en parler, être informé, sensibilisé, outillé et plus on va dire "STOP, ça suffit".

Je me dis qu'un jour, on va finir par en venir à bout...

À bout de cette violence qui est comme une toile de fond omniprésente... Une blague dénigrante, des coups, du sarcasme, des paroles écrasantes, une lame, des menaces, être empêchée de faire, de dire et d'être comme on est, des insultes... Ça n'en finit pas...

À quand la fin, je me dis?

Cette année, je suis enfin capable de me tenir devant le monument de commémoration dédié à mes consœurs ingénieures tuées lors du massacre de la Polytechnique de Montréal sans que la cicatrice indirecte laissée par ce terrible événement me fasse crier ma rage, celle de mes consœurs actuelles et celle des générations futures.

Pour moi, cet événement me ramène au coeur du bouillon. Il me rappelle que ce n'est pas fini...

Ici à Montréal et aux 4 coins de l'Île-du-Prince-Édouard, mon Île, mon berceau dans les vagues, mon chez moi... où là aussi, dans l'isolement des campagnes ou au coeur des villes; de Tignish à O'Leary, de la région Évangeline en passant par Summerside jusqu'à Crapaud, de Bonshaw à North Rustico, de Cornwall à Mount Stewart en passant par Charlottetown, de Belfast à Montague, Morell et Rollo Bay...

Partout, ici aussi sur notre Île aux falaises rouges dans l'anonymat ou entourée de leur communauté, beaucoup trop de femmes souffrent encore aujourd'hui en silence de la violence...

Cette toile de fond omniprésente qu'est cette violence faite aux femmes est aussi chez nous!

Traçons la ligne...
Droite et ferme...
Ça suffit, c'est là que ça s'arrête!

Pour nous toutes et celles qui nous suivront...

Aujourd'hui, je me tiens droite et ferme même si mon coeur est en pleurs car au fin fond de moi, je veux vivre dans un monde où ces actes haineux n'ont plus de place. Je suis toujours là. Mes consœurs aussi. Et depuis 2020, c'est 30,2% des étudiants de la Polytechnique qui sont des femmes, contrairement à 17% en 1989. Alors, on avance, on ne baisse pas les bras... On est toujours là et debout.

Et aujourd'hui, là et debout, devant cet endroit symbolique, je renouvelle mon engagement, celui prit il y a maintenant 33 ans.

Je me tiens debout, je n'accepte plus l'innaceptable, j'ose dénoncer et je ne cautionne plus de près ou de loin les comportements directs ou indirects de violence, même les soit disant blagues ou le sarcasme... C'est drastique vous me direz?

Et je vous répondrai, d'accord, mais je suis tannée...

Ça suffit...

Comment avons-nous finalement obtenu le droit de vote?
Comment avons-nous, femmes, été reconnues comme des êtres et non des objets?
Comment fait-on une omelette si on ne casse pas l'oeuf?

Il n'y a plus de place pour la tolérance autour de la violence.

Aux formes de violence dites traditionnelles s'ajoute maintenant la cyberviolence faite aux femmes... Un nouveau moyen...

On attend quoi?

Alors, oui, je vous invite à être drastique et à tracer une ligne ferme, aussi ferme que les femmes qui se tiendront debout pour la défendre.

C'est le pouvoir qu'on a chacune...

Personne ne viendra nous sauver, nous défendre...

Parce que nous avons ce droit, cette capacité et ce pouvoir de décider quand c'est "STOP, ça suffit"!

Traçons la ligne... C'est là que ça s'arrête...

Et si chacune d'entre nous la traçons, on peut aussi créer un mouvement pancanadien... Des mots, de l'éducation, de la sensibilisation, mais surtout des actions concrètes pour stopper la violence faite aux femmes sous toutes ses formes.

Quand ça suffit... Ça suffit!  

Ici, sur cette Île, où mes deux pieds sont fermes, où dans l'isolement des campagnes et au coeur de ses villes et villages, dans l'anonymat ou entourée de leur communauté, beaucoup trop de femmes subissent encore de la violence juste parce que c'est comme ça!  

Traçons la ligne...
Droite et ferme...
Ça suffit, c'est là que ça s'arrête!  

Pour nous toutes et celles qui nous suivront...

Nathalie Vendrys

Présidente d’Actions Femmes